Sortie à Honfleur

Par Jean-Jacques Dujardin

Le 10 octobre 2004, le Pacific Vapeur Club organisait un voyage Rouen / Honfleur à l’occasion de la fête de la crevette et de la pêche.

L’organisation de cette excursion nous obligeait à demander l’accord de la SNCF mais aussi celui de nos amis de l’association Pontaurail. En effet, cette association, basée à Pont-Audemer, possède l’autorail X2426 et, depuis peu, le X4555 et sa remorque XR 8572. Tous les dimanches, l’association utilise la relation Pont-Audemer / Honfleur avec des voyageurs. Pour des raisons imputables aux circulations sur voies uniques, nous ne pouvions rouler avec notre loco vapeur si Pontaurail maintenait sa prestation. Une entente fut vite trouvée. Nos amis décidèrent de nous « prêter » ce dimanche à la seule condition que nous puissions embarquer leurs propres voyageurs, ce qui fut fait en leur laissant la totalité d’une voiture de 80 places. Ce premier problème réglé, il en restait d’autres.

Le vendredi 8 octobre, après trois grosses semaines de travail effectué par nos bénévoles et des gens de Quatre Mares, suite à un troublant problème technique rencontré lors de la sortie Paris / Le Havre, c’était une gageure de mettre l’allumette enflammant le petit bois du foyer de notre princesse. Comme à chaque fois, il fallut attendre 8 heures avant que notre machine atteigne la pression nécessaire pour lui permettre d’effectuer des essais dans le triage de Sotteville. Après de sérieux contrôles par nos techniciens et ceux de la SNCF, notre machine était déclarée bonne pour le service. Le deuxième défi était gagné. Il restait le troisième, réussir avec la même maestria, le voyage vers Honfleur.  

La veille du départ, le moral des membres actifs du PVC était au beau fixe. Il faut préciser que la réservation était bouclée depuis plus de 10 jours. C’est dire le nombre de sympathisants que nous avons désappointés en leur refusant des places. Cette constatation montre, si cela était encore utile, que la confiance de nos sympathisants reste intacte malgré les quelques ennuis techniques de ces derniers mois.

Le dimanche 10, malgré un temps frais et brumeux, les voyageurs sont heureux, cela se voit. Le départ de la rame de la gare de Rouen, accompagnée en queue d’un diesel 63000 destiné à nous aider à franchir la rampe à 16%o au départ de Honfleur, se fait à 7h35. Les arrêts de Sotteville et d’Elbeuf-Saint-Aubin nous permettent d’embarquer le reste de nos voyageurs. A Elbeuf, l’arrêt avec prise d’eau est suffisamment long pour concéder à chacun le droit de prendre quelques photos, ce sera le seul, il faut donc en profiter.

Après le départ d’Elbeuf et le franchissement d’une boucle de la Seine, nous entamons la fameuse côte des Trois Sapins, si chère à notre ancien mécanicien et ami Roger Girard[1]. La côte gravie, nous prenons la direction du triangle de Serquigny qui nous permettra de tourner l’ensemble de la rame. Ainsi, notre machine se trouvera t-elle en tête en arrivant à Honfleur.

L’itinéraire de Glos-Monfort à Honfleur devient plus conforme aux voyages d’antan. Les voies, maintenant réservées au trafic marchandises, présentent quelques ondulations qui mettent à rude épreuve les doubles suspensions des bogies Y2 de nos voitures. Les forts balancements font sourire les voyageurs qui commentent avec moult détails leurs premiers voyages en train ; ils étaient jeunes à cette époque… ! La voie traverse de longues portions forestières et, parfois, quelques branches viennent égratigner la peinture de nos voitures. Ce n’est pas bien grave, nous n’allons qu’à 40 km/h et c’est aussi le vrai plaisir, celui de voyager tout en prenant son temps. Les animaux de ferme n’ont plus l’habitude des trains à vapeur et, en voyant l’impressionnant panache de fumée accompagné de ce bruit très caractéristique de la vapeur s’échappant des pistons, décampent dans toutes les directions, croyant échapper à l’arrivée de je ne sais quel cataclysme. Bien plus calmes, car sachant pourquoi ils se trouvent là, il y a les photographes. Grimpés tantôt sur des escabeaux, tantôt sur le capot ou même le toit de leur voiture, ils immortalisent à jamais notre rame traversant la verdoyante campagne normande. Et puis, il y a les autres, ceux qui sont en pyjama ou en chemise de nuit sur le pas de leur porte et qui s’étonnent de notre passage, ceux qui sont frileux et qui, derrière leur carreau, nous adressent un bonjour bien sympathique, sans oublier ceux qui sont informés et viennent en famille sur le quai d’une vieille gare, sur un pont ou aux abords d’un passage à niveau. C’est vraiment chaleureux.

Le dernier arrêt, c’est Pont-Audemer afin d’embarquer les 80 clients de Pontaurail. Tout va bien, la machine repart sur une voie toujours chaotique en rampe jusqu’à Beuzeuville pour finir par descendre. Le pont de Normandie nous apparaît, discret car enveloppé dans cette brume si coutumière à notre estuaire. L’ambiance dans le train est joyeuse. Les gens ont pris le temps de se connaître. Les couloirs sont bondés et la circulation est très difficile. Pourtant les voyageurs insistent, ils veulent voir la voiture postale avec son exposition de photos et ses projections. Et puis il y a la voiture-bar, refaite à neuf, habillée en bleu nuit, dans laquelle, après les cafés et les viennoiseries, on étanche les premières soifs avec les sodas, les eaux minérales et les bières fraîches.

Il est 11h30, Honfleur apparaît, on entend déjà le cri des goélands. Une dernière grande courbe à droite et nous entrons sur un faisceau de 8 voies qui se trouve pratiquement au pied du pont de Normandie. Hormis le pont, l’endroit n’est pas vraiment inoubliable. Déchets de bois, de sciures et d’objets divers jonchent le sol sur toute la longueur du triage. Un triage mis en service en 1977 après la suppression de la gare de Honfleur-Ville. Ce triage reçoit actuellement un trafic de bois, engrais, liquides et mélasse.

Après la mise en place par nos amis de Pontaurail d’escaliers en bois permettant aux voyageurs de descendre des voitures, chacun partira profiter de cette journée sous un ciel qui semble vouloir se dégager de sa brume.

Nichée dans un écrin de verdure, Honfleur est un port au passé historique prestigieux. Y sont nés, Alphonse Allais en 1854, Erik Satie en 1866 et Albert Sorel en 1842.

Cité maritime et point de départ des grandes expéditions vers le Nouveau Monde, Honfleur était un port de renommée internationale. C’est aujourd’hui une des villes les plus visitées de France.

La fête de la crevette et de la pêche voit ses bateaux traditionnels tels le « Sainte Bernadette » ou encore le « Roche Bleue » amarrés au quai Sainte Catherine, rejoints par des vieux gréements venus de toute la région. C’est un jour de fête avec chants de marins, tannage traditionnel des voiles, concours d’écalage de crevettes, déhalage de bateaux au cabestan et manœuvre à la godille.
Crevettes grises

Mais, tout ayant une fin, il faut quitter l’animation d’une ville en fête pour rejoindre les cars qui ramèneront nos voyageurs avant le départ du train prévu pour 17h30.

A l’heure précise, la rame s’ébranle avec cette fois-ci notre machine en queue jusqu’à Serquigny où elle reprendra la tête jusqu'à Rouen. L’ambiance est plus calme, la journée commence à peser dans les jambes mais cela n’empêche pas une vive activité dans les couloirs et la voiture bar. C’est un sympathique lieu de rencontres et de bavardages. La machine galope sans problème et les voyageurs nous font déjà part de leur satisfaction. C’est pour nous le plus beau des cadeaux. Nous sommes de retour à l’heure et nous déposons nos derniers passagers en gare de Rouen à 20h15. Un grand ouf de soulagement est poussé. Notre moral est excellent et nous sommes confiants en l’avenir. Il ne nous reste maintenant qu’à retrousser nos manches jusqu’en avril prochain. Le travail sur les voitures et la machine ne manquera pas.

 




Roger Girard a pris sa « retraite » du PVC lors du train Paris / Le Havre du 19 septembre dernier. FR3 a d’ailleurs fait un reportage à cette occasion.


 
 

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Par Jean-Jacques Dujardin.

 Honfleur le 10 octobre 2004.

 


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